Dr Thierry Beylier, Subdivisionnaire Santé des Iles Sous le Vent

Entrevue avec le Dr Thierry Beylier, Subdivisionnaire Santé des Iles Sous le Vent, basé à Raiatea (Iles Sous le Vent. Polynésie) Le 09/04 de 14h00 à 17h00.

Sous une pluie battante, je suis accueillie dans le bureau de l’hôpital de Raiatea à Uturoa, par le Dr Thierry Beylier, Subdivisionnaire Santé (médecin chef) des Iles Sous le vent, Médecin coordonnateur « Réseau CSA Inter-Îles », directeur par intérim de l’hôpital jusqu’il y a 3 jours, et qui vient tout juste de terminer les consultations tropicales pour remplacer une collègue.

Il est avec  son équipe, en pleine réunion de gestion des recrutements médicaux. Je plonge dans l’univers du casse tête quotidien de la gestion des effectifs médicaux insulaires : un médecin, pourtant recruté il y a deux mois par la subdivision, n’a pas reçu son billet d’avion à temps et se désiste avec regret à la veille de sa prise de fonction ; un autre ne vient que pour 3 mois, ce qui est insuffisant pour remplacer celui qui a démissionné pour des raisons personnelles mais aussi professionnelles.

La répartition des différents médecins dans les iles est un véritable jeu de chaises musicales compliqué par le manque d’effectifs, et les contraintes inadaptées à la nouvelle génération de médecin. Mais c’est aussi difficile pour les autres types de professionnels de santé, comme le cas des secrétaires médicales, car les arguments de la Direction centrale à Tahiti ne répondent pas aux attentes des équipes de terrain.

Le Dr Beylier est en charge de l’organisation de la santé publique dans l’archipel et il reconnait que cette tâche est complexe tant les impératifs de terrain semblent entravés par des procédures administratives exhaustives* qui ne rendent pas le territoire polynésien compétitif par rapport à d’autres DOM TOM. Il estime aussi que la situation s’est complexifiée en raison du changement de mentalité des jeunes médecins.

Il est vrai que l’investissement qu’il a engagé depuis plus de trente ans est sans mesure. Alors qu’il se destinait à une carrière hospitalière de neurochirurgien à Grenoble, il a renoncé à sa spécialité chirurgicale pour rejoindre la médecine générale lui permettant d’exercer en Polynésie, choix du lieu de vie de sa femme native de Tahiti. 

Il ne le regrette pas du tout, ni pour des raisons familiales, mais aussi pour l’intérêt de l’exercice médical qu’il a pu y déployer auprès d’une population qu’il a adoptée comme la sienne.

Tout d’abord affecté en médecine interne à l’hôpital de Mamao, il a finalement été entendu sur sa demande d’affectation insulaire et a exercé avec sa femme également médecin à Huahine : « 9 ans d’exercice insulaire où j’étais le seul médecin public de l’île, j’ai vécu avec passion mon métier ».

Il a connu la difficulté de l’astreinte 24h/24 7 jours sur 7 pendant 10 ans, à l’époque sans portable, où chaque changement de lieu était signalé à son infirmier, exposant ainsi en permanence sa vie privée.  Il a ensuite accepté de rentrer dans le champ de la médecine de santé publique et aussi accepté des responsabilités de fonctions administratives, dont celle de la subdivision des Iles Sous Le Vent puis de direction de l’hôpital d’Uturoa, l’hôpital de proximité de l’archipel, un métier appris sur le tas avec conviction.

Son expérience de terrain a été un atout à faire pâlir les « vrais directeurs », nommés le plus souvent pour deux ans, devant s’adapter aux spécificités polynésiennes la première année et préparant déjà leur départ la deuxième.  Aujourd’hui, il aimerait être entendu sur ses propositions d’allègement des procédures administratives notamment et ne baisse pas les bras.

Vivre à Raiatea est un grand bonheur pour lui et sa famille. Il essaie sans relâche de soutenir ses équipes, met en place des réunions en visio sur Teams en dépit d’une connexion internet malheureusement encore trop aléatoire, a beaucoup travaillé sur la formation des personnels en poste isolé. La présentation de la démarche TUSI pourrait trouver écho par son approche solidaire et philanthropique. Nul doute que TUSI gagnerait beaucoup de son expérience et de celle de tous ceux avec qui il travaille.

Nous nous sommes quittés avec l’espoir de coopérer sur tous ces sujets. Merci à lui de m’avoir accordé autant de temps et d’attention !

* En Polynésie, la Direction Générale de la Santé ne fait pas partie des Services de l’état français. Gérée par la DGS, direction Générale de la Santé du gouvernement autonome de Polynésie, le circuit administratif des candidatures est très long. Outre la fourniture des documents de base demandés dans tous les DOM TOM (passeport, diplômes, N° d’inscription à l’Ordre des médecins, CV, extrait de casier judiciaire), il faut fournir une attestation de résidence, des extraits de casier judiciaire type 2 & 3, une attestation de chaque employeur cité dans le Curriculum vitae, un extrait d’acte de naissance, etc. Et le dossier complet doit passer dans tous les bureaux concernés par chacune de ces pièces, ce qui peut prendre plus de deux mois.

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