En Martinique, départ pour Grenade
En Martinique, départ pour Grenade
10 mai
Et alors? Une semaine depuis notre arrivée déjà et pas de news?!
Il faut dire qu’atterrir n’est pas chose facile après 4 semaines au grand large!
D’abord sonnées par des nuits hachées (et la dernière particulièrement soutenue), la joie de l’arrivée partagée à quatre, difficile de réaliser ce que nous avons accomplis. Un sentiment de satisfaction qui ne peut qu’être emprunt de fierté car le marin sait que l’humilité prime et que ce sont Neptune et Eole qui nous ont accordé cette traversée, non dans quelques blagues de “no wind mer lac”, “trop d’wind mer démontée”, “wind n’importe nawhat mer désordonnée imprévisible”, et le réchauffement qui s’en mêle avec des Sargasses bien au delà de la zone “mer des Sargasses” décrite par feu Christophe Colomb.
Mais le fait est là, nous sommes arrivées au petit matin et avons touché terre. Un petit champagne au pti déj pour fêter ça suivi des formalités d’entrée et de marina (je suis complètement groggy) et d’ un TI punch déj, Martinique oblige et puis repos et plage!
Dès le lendemain Perrine nous quitte pour rejoindre sa famille, puis Erell et Joanna le surlendemain… me voilà seule et elle , basculées violemment dans leur univers respectif.
Et alors, la skipette fait le point des travaux à effectuer avant de repartir : l’électronique à revoir, deux vannes arrivée eau de mer à changer… et une bôme fissurée,… à changer. Commence alors un long et difficile parcours du combattant : tous les shipshandler sont surbookés par tous les bateaux qui rentrent avant la saison cyclonique. Je suis renvoyée de l’un à l’autre: pas de place avant 4 semaines (!) et puis à force de persuasion, d’explication du projet associatif T.U.S.I… les portes s’ouvrent, les rdv commencent. Les journées passent vite à travailler sur le bateau, ravitailler, s’équiper de ce qui manque. On reprend vite contact avec les terriens, mais ici changement de vitesse: le ralenti est de mise, il faut s’ y faire. Je reprends contact avec ma famille, mes proches mais c’est aussi mes trois coéquipières qui ne manquent.
Le we arrive et je suis invitée chez le Dr Guy Albert Rufin Duhamel, directeur du service oncologie et soins palliatifs de Martinique grâce à un de mes amis Louis Jehel, camarade de promotion devenu Professeur d’Université et qui a travaillé dix ans en Martinique. Coup de chance! Il se trouve que Louis est en Martinique au même moment: il est venu donner une formation dans le cadre de l’association qu’il a créé : SOSKriz, une plateforme qui propose un accompagnent aux personnes victimes d’inceste. Je le retrouve à dîner chez Guy Albert et Marlène, avec Fabienne Sainte Rose sa collaboratrice responsable de SOSKriz. Nous échangeons à bâtons rompus et j’ai l’intime conviction qu’il n’y a pas de hasard: le projet T.U.S.I à bel et bien commencé à prendre corps dès sa première escale tropicale!
Je retourne à la gestion des travaux… et vous livrerai les détails de ces rencontres fabuleuses avec les soignants des îles !!!
20 mai
Tu’ati navigue dans la mer des Caraïbes.
A son bord deux nouveaux équipiers :
Gilles qui a rejoint Magali en Martinique et Sonja, une infirmière suisse qui fait du « bateau stop »
Portraits :
Gilles : « marin très occasionnel mais néanmoins professionnel de l’eau profondément concerné par l’environnement, je soutiens une initiative de solidarité active bien ciblée, menée par quelqu’un qui a déjà montré qu’elle savait faire. «
Sonja : Je suis une infirmière de soin intensif en Suisse. Après deux ans de travail avec les patients atteints de COVID, j’avais besoin d’une pause, vis à vis des patients qui ont peur de mourir et des familles qui ont peur de perdre une personne importante. Une pause du stress de penser que je peux faire un erreur grave. Je veux vivre, je veux respirer. J’adore le mer et j’ai décidé d’aller dans les Caraïbes. Comme bateau stoppeur j’ai connu Magali. Elle m’a raconté l’objet de T.U.S.I. et j’ai décidé de voyager avec elle sur Tu’ Ati. C’est une bonne chance d’aider à rencontrer d’autres soignants du monde. Depuis quelques jours on est sur le chemin vers le sud du Caraïbes. Je voyage avec le vent dans la liberté de l’océan ! »
23 mai
Nous avons quitté la Martinique le 18/05 pour rejoindre Sainte Lucie à 25 nautiques de là. Arrivés à Marigot Bay, nous avons rencontré Lowanne, infirmière en charge des contrôles de vaccination anticovid. Après un screening très professionnel son visage s’est détendu lorsque nous lui avons parlé de T.U.S.I. Elle nous a exposé la situation sanitaire critique de son petit pays indépendant. En recrudescence Covid actuellement, l’hôpital est surchargé. Le manque de personnel soignant est critique car les infirmières formées sur place ou à Cuba ont tendance à partir travailler en Angleterre où les conditions sont meilleures. Les soignants se sentent peu soutenus par leur gouvernement. Lowanne nous a confirmé qu’un soutien associatif par pair et par des formations dans le domaine de l’urgence et de l’éducation sanitaire serait bienvenu. Elle s’est montrée très intéressée par le projet et nous suivra sur Facebook. En attendant le premier colis de masques et gels hydroalcoolique donné par l’association » Les amoureux du désert » a été très apprécié! »
25 mai
Nous avons poursuivi notre sillage d’île en île pour atteindre Saint Vincent à Wallalibou bay qui détient un » custom » pour les formalités d’entrée. La baie est sauvage et pauvre, un seul voilier et un homme qui vient à notre rencontre sur sa planche pour amarrer nos bouts arrières à prix d’or ! Il nous informe que le bureau des douanes n’ouvrira que le lendemain et que si nous le commandons en consommant au seul resto du coin.,. D’ailleurs fermé.
Nous repartons les lendemain pour Kinwgston, capitale de l’île mais rien n’est indiqué. Du port des ferrys où Tu Ati a l’air tout petit et bien seul voilier, de bureau de l’immigration au bureau des douanes en passant par celui du port, j’apprends que « non, pour les plaisanciers, il faut aller au Bleue Lagoon Hôtel au bout de l’ile ».
Nous réappareillons et arrivés là bas, on ne peut faire les formalités que si on paie une bouée. A demi mot le gars du port nous indique que nous pourrons les faire à Bequia, première île des fameuses Îles Grenadines et du coup on y va! Oui mais, arrivés à Lowebay de port Elisabeth, notre équipage zélé descend à terre pour se rendre au Custom…. qui nous renvoie à bord illico presto car, disent-ils les « autorités sanitaires » vont venir contrôler à bord une fois que nous les aurons appelés par VHF. Retour à bord, appel… C’est à nous de venir à eux en fait, de l’autre côté de la baie… Réappareillage, remouillage, descente en canoé dans le restaurant « Opendeck » indiqué. Une dame qui ne ressemble en rien à un agent officiel nous reçoit, nous demande cinquante euros pour contrôler les carnets de vaccination ( nous sommes tous les trois triple vaccinés) et nous demande les tests anticovid… Que nous n’avons pas!
Il est 16h, vendredi soir, pas de test possible avant lundi dit elle. Alors je lui raconte notre épopée depuis le matin et elle me propose de nous faire conduire par son fils à l’hôpital de l’île pour réaliser les tests antigéniques, 25 euros pièce… Sans lesquels aucun document ne sera délivré. L’infirmière nous reçoit, réalise les tests et l’administration nous demande un supplément car il est 16h passé. Le papier en main nous allons au bureau des douanes. Mais il faut présenter un document à remplir sur internet. Une fois rempli, le numéro attribué, le douanier nous demande 60 euros et la personne de l’administration 12 euros car il est 18h!
Au final, nous obtenons l’autorisation d’entrer à St Vincent et ses îles Grenadines, bien échaudés, le sentiment d’avoir été menés… en bateau! »
31 mai
Rameau Bay à Canouan
Au mouillage de Rameau bay à Canouan, il n’y avait qu’un seul catamaran français. Un des membres de l’équipage s’est approché de nous, intrigué par notre logo TUSI. Après une discussion fort sympathique, il s’est avéré que sa filleule Juliette à bord était en internat de Médecine générale en Guadeloupe depuis deux ans. Elle est venue spontanément échanger avec nous. Elle décrit une situation des internes de médecine en Guadeloupe assez inquiétante : non seulement l’hôpital manque régulièrement de matériel (pas toujours possible de faire un prélèvement sanguin aux urgences de Point à Pitre faute de tubes…), mais la formation relève plus du système D, faute d’encadrement, selon elle. De plus, elle avoue aller au travail souvent dans le stress, les événements sociaux derniers pesant fortement sur l’ambiance générale. Elle doit passer devant un mannequin pendu chaque jour pour accéder aux urgences , et vit dans le souvenir d’une de ses collègues interne qui s’est retrouvée avec un pistolet sur la tempe… Malgré tout cela elle garde le sourire mais va continuer son internat en Guyane pour y rejoindre une partie de sa famille. »
1er juin
Voilà déjà 10 jours que nous avons pointé notre étrave aux Îles Grenadines. Cet archipel s’éparpille de St Vincent à Grenade en une série d’îles volcaniques et de confettis de sables avec des récifs coralliens qui abritent une faune aquatique d’une grande richesse. Dépendante de St Vincent, nous avons commencé par mouiller à Bequia dans la baie de St Elisabeth et la clearance avec test antigénique nous a valu la rencontre de l’infirmière de garde de l’hôpital local. Il n’y a sur cette île de 5000 habitants qu’un seul médecin (cubain) et 20 infirmières et une sage femme. L’hôpital comprend 4 département de 4 lits : pédiatrie, maternité, médecine, urgences. Toutes les urgences importantes sont transférées sur l’hôpital de St Vincent, ainsi que les femmes sur le point d’accoucher. Vu que l’exploitation des formalités Covid s’apparentait plus à une extirpation d’argent par tous les moyens, nous ne nous sommes pas éternisées.
Ensuite, nous sommes descendues vers l’île de Moustique. Cette île étant gérée par une société privée, elle est beaucoup plus léchée que les autres, ses plages sont idylliques, nettoyées et aménagées de tables et bungalows. Des pancartes explicatives sur les dangers de certains arbres (Manchineel tree) ou animaux toxiques (méduse géante portugaise), avec des petits espaces de stockage de kits d’urgences à disposition mais aussi sur la mangrove et ses écosystèmes. C’est au détour d’une plage de rêve, que nous avons repéré une ambulance.
Bien qu’elle soit vide de tout matériel, elle nous a conduit à l’une des deux médecins de l’île, en repos en famille. Sans vouloir trop l’importuner nous avons pu échanger. Elle est d’origine allemande et avait travaillé aux Bahamas. Elle décrit un travail 24/24, 7/7, auprès d’une population aux pathologies banales, hormis de nombreux accidents de plongée, et des évacuations sanitaires des touristes étrangers avec des destinations qu’elle décide seule en fonction des souhaits et nationalités (américains sur Miami, français sur Fort de France, etc). Elle n’a pas trop voulu nous en dire plus et surtout rien sur le Covid, avec pour argument que son employeur demande une certaine confidentialité.
Nous sommes reparties ensuite vers Canouan plus sauvage. »